Le rappeur BOP est dans une situation critique. Le quinquagénaire mène une vie de nomade suite aux attaques des bandes armées à Source Matelas, là où se trouvait son habitat. L’artiste se plaint d’avoir quasiment tout perdu. Il sollicite donc l’aide des « bons Samaritains » de la société, spécifiquement ceux du secteur musical.
Qui l’aurait cru ? Avec un brillant parcours au sein du secteur musical haïtien, l’un des pionniers du “RAP kreyòl” se trouve dans une immense précarité, sans un toit sur sa tête. Après huit années passées à Delmas 4, il a été chassé de chez lui par les fréquentes confrontations entre bandes armées.
L’originaire de Petite Rivière de l’Artibonite, en quête d’une vie plus ou moins normale, s’était donc installé à Source Matelas. En vain ! La mauvaise histoire s’est reproduite ; cette fois, il n’a même pas eu le temps de prendre avec lui ses pièces d’identité et les archives témoignant de son parcours à Masters, ce qui lui arrache le cœur, à l’entendre au micro de Ziltik Info. En espérant que ses documents ne périssent sous les flammes ou autrement, il se dit prêt à aller les récupérer une fois que l’occasion se présente.
Un 26 avril, celui de l’année 1973, Petite-Rivière de l’Artibonite a accueilli Carlo Aristide, vrai nom de BOP. Trois mois après, sa mère l’a emmené à Port-au-Prince et c’est là qu’il allait faire connaissance du RAP. Il a débuté à l’école durant les pauses et avec la participation de trois collaborateurs, il a formé “Trezò”, un groupe qui, plus tard, sous la demande de BOP, sera poussé par Georges Lys Hérard alias Master Dji.
Avec le support du DJ, animateur de radio, en l’occurrence Master Dji, BOP et sa troupe ont pu enregistrer leurs deux premiers sons “Fò n evite” et “Reflechi”. Ces deux titres ont été gravés sur une mixtape du DJ, publiée en décembre 1992. Succès fou mais court, car la mort a emporté l’animateur environ une année après.
BOP, légende du RAP, a connu une énorme réussite au sein du secteur. Passant de Trezò, Original Rap Staff (ORS), il s’est donc arrêté à “Masters of Haiti”, une troupe qu’il a formée avec la collaboration de quelques anciens d’ORS et autres artistes. Cette formation musicale compte environ trois albums et il faut signaler que le premier a eu un exploit hors du commun, notamment les titres comme “Ti chans pou Ayiti”, “Fò n pale”, “Pòtoprens Mafia”.
Carlo Aristide, fils unique, n’a pas connu son père. Passionné du RAP, il a bien voulu mettre fin à sa carrière avec un album solo, c’était son idée pour fêter sa cinquantaine en avril dernier mais la situation chaotique qui bat son plein dans le pays l’en a empêché. Et voilà que maintenant, il n’a même pas une maison où dormir. On se demande bien, à l’écho de notre brillant écrivain Jacques Stephen Alexis, si oui ou non on nous refuse le droit de vivre dans notre pays.